Le lapis-lazuli est un exemple de point de convergence entre le monde des minéraux et celui de l’art de grands maîtres de la peinture. Comment ? Et bien, parce que le lapis-lazuli était utilisé pendant des siècles pour obtenir un pigment naturel avec la fameuse teinte bleu nommée « bleu outremer » ou plus simplement « outremer ».

Qu’est le lapis-lazuli ?

Le lapis-lazuli est une roche consistant de plusieurs minéraux dont les principaux sont les suivants : lazurite bleue, calcite blanche et pyrite dorée. Son nom vient du mot latin « lapis » qui veut dire pierre et du mot perse « lazhuward » qui a évolué vers la forme latine « lazulum » qui veut dire ciel ou paradis. Il faut donc traduire le nom de lapis-lazuli comme « la pierre du ciel ». Parmi la plupart des gisements au monde (Colorado – États-Unis, Coquimbo – Chili, Lac Baïkal – Russie) celui qui est le plus connu et qui fournit une qualité supérieure de roche est le gisement sur les terrains autour du village Sar-i Sang dans la province du Badakhshan en Afghanistan. Là-bas, dans les mines appelées Ladjuar Medam (mine bleue) le bleu lapis-lazuli est extrait probablement depuis l’an 7000 avant JC.

Le lapis-lazuli et l’art ancien

Le lapis-lazuli est lié à l’art depuis l’Antiquité. Il fut utilisé par les anciennes civilisations pour créer différents objets comme des sculptures, des amulettes, des sceaux ou des bijoux. Les exemples sont multiples. Pour en donner un : le masque funéraire de Toutânkhamon est incrusté de lapis-lazuli. La pierre fut utilisée pour le contour des yeux et des sourcils ainsi que pour le collier du pharaon.

Le bleu outremer de lapis-lazuli – le pigment le plus coûteux

Revenons au bleu outremer cité dans l’introduction de cet article. Ce pigment naturel issu du lapis-lazuli d’Afghanistan fut la plus coûteuse couleur dans les palettes des artistes jusqu’à XIX siècle. Son prix fut supérieur à celui de l’or. Il y a deux raisons principales. La première fut la provenance lointaine de la roche. Cette caractéristique se retrouve d’ailleurs dans le nom de cette couleur, qui vient du mot latin « ultramarinus ».

La deuxième raison de son prix élevé vint de la méthode lente de séparation de la lazurite bleue des autres minéraux composant la roche du lapis-lazuli. Elle consistait à moudre une pierre de meilleure qualité, donc avec une quantité importante de lazurite, en poudre fine. Par la suite la poudre était mélangée avec de la résine de pin fondue, de la gomme naturelle et de la cire d’abeille. La pâte ainsi obtenue était appelée « pastello » et était conservée pendant une semaine à température ambiante, pétrie une fois par jour et enfin mélangée dans une solution de cendre chaude (solution de hydroxyde de potassium) qui séparait les particules de pigment bleu. En répétant chaque fois cette procédure des teintes d’un bleu de moins en moins intense pouvaient être obtenues. Cette méthode traditionnelle fut décrite pour la première fois par Cennino Cennini dans son livre «  Il libro dell’Arte » (Le livre de l’Art) au XV siècle.

Etant donné son prix exorbitant, le bleu outremer était utilisé sur les tableaux de manière trés raisonable. La quantité prévue pour chaque tableau (comme la quantité d’or) était déclarée dans le contrat entre le commanditaire et l’artiste. Souvent la couleur était achetée ou fournie par ce premier qui disposait de fonds bien plus importants que l’artiste. Afin d’économiser la couleur précieuse, les artistes utilisaient aussi un pigment issu de l’azurite pour la sous-couche de la peinture et appliquaient ensuite le bleu outremer seulement pour la couche finale. 

Le lapis-lazuli dans les peintures des grands maîtres

À la Renaissance la couleur outremer était réservée pour certains éléments typiques comme les robes de la Vierge Marie et de Jésus. Les tableaux où nous pouvons trouver un pigment de lapis-lazuli datant du XV siècles sont :

Au XVII siècle, sur la scène de l’art, un peintre fut obsédé par le bleu outremer et l’utilisait dans la majorité de ses tableaux. Ce peintre était le Néerlandais Johannes Vermeer. Il utilisait l’outremer non seulement pour les éléments de couleur bleue mais aussi comme une composante d’autres couleurs. On dit qu’à cause de l’abondante utilisation de ce coûteux pigment il aurait contracté des dettes considérables. Le tableau le plus célèbre de Vermeer est « La Jeune Fille à la perle » où le bleu outremer est utilisé pour son turban. D’autres example de tableaux sont :

Bleu outremer et outremer français

La folie de bleu outremer et de son prix élevé s’acheva en 1828 quand une alternative fut inventée par l’alchimiste français Jean-Baptiste Guimet. Quatre ans plus tôt la Société d'Encouragement pour l'Industrie Nationale organisa un concours pour l’invention d’un bleu outremer artificiel avec un prix inférieur à 300 francs par kilogramme. Le concours fut remporté par Guimet qui remporta 6000 francs. Parallèlement à Guimet, un professeur allemand de l’université de Tubingen, Christian Gottlob Gmelin, conclut sa recherche avec une formule différente. Il publia ses résultats seulement un mois plus tard par rapport à Guimet. Gmelin réclama le prix du concours en argumentant qu’il découvrit la formulation plus tôt que Guimet, mais après une discussion agitée ne l’obtint jamais. 

Depuis ce temps, une distinction est faite entre le bleu outremer, qui est un pigment naturel, et l’outremer français, ou autrement, le bleu Guimet qui est son remplaçant artificiel. De nos jours, le vrai bleu outremer est utilisé seulement lors des rénovations des œuvres historiques.

Bibliographie :

 

24 octobre 2022
Catégorie: Histoire Lapis-lazuli